Par Alex Mvuka
C’est depuis 50 ans que cette idée se parle dans le sens de la sécession ou du découpage du pays. Contemporainement, ce concept emprunté du Balkans un néologisme dans le jargon des politiciens en mal de positionnement de la RDC ayant pris récemment le sens de « voler les terres congolaises ou de nos ancêtres ». Si la balkanisation existe c’est celle des pays puissants qui dirigent le Congo depuis plus de 100 ans, qui décident de sa politique extérieure voire même intérieure.
Après son Independence le 30 Juin 1960, le Congo entra aussitôt en état de crise « la crise congolaise ». Ces troubles étaient liés aux mutineries de l’armée et le mouvement de cessation du Katanga. Considérant les intérêts financiers et géopolitiques qui étaient en jeu, sous prétexte de remmener l’ordre public et protéger ses citoyens, l’ancien pouvoir colonial, la Belgique, a envahi le Congo. Ces dynamiques de conflit ont conduit à la première intervention des Nations Unies (ONU) de maintien de la paix en Afrique subsaharienne. Pendant cette période, les mines de cuivre du Katanga très connues mondialement étaient à ce moment exploitées par l’Union Minière (UM), une compagnie industrielle ayant des liens belges et britanniques.
Plus tard le Congo est devenu la bastion Africaine de la guerre froide. Le pays a exhibé sa propre variation de conflit entre les communistes et capitalistes. Un phénomène qui définissait les anciens territoires de la colonie européenne en Afrique. Les pays puissants ont imposé un régime autoritaire de son choix au Congo. Considérant sa location (au centre de l’Afrique), son immense étendue (égale à toute l’Europe occidentale) et son énorme richesse en minerais, le Congo a toujours été une espace d’un intérêt économique et sécuritaire pour les pays puissants.
Vers la fin de la guerre froide, le Congo a connu le phénomène de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUSCO), considérée comme la plus grande et couteuse intervention des Nations-Unies au monde. Cette force est une armée redoutable qui opère souvent indépendamment de l’état d’accueil. Au cours de mes travaux de recherche dans plusieurs régions de la RDC, il s’est remarqué que cette armée des Nations Unies est bien équipée en logistique militaires. Selon les animateurs (chercheurs) de la MONUSCO qui évaluent régulièrement les dynamiques des tensions et assurent la collection des données sécuritaires, cette force a un système de renseignements mieux sophistiqué que celui du pays. « Toutes les 24 heures, elle a des informations requises de la situation sécuritaire du pays qui sont directement reportées à New York » ajoute un de ces animateurs.
Depuis la période de la fameuse formule inédite ailleurs au monde d’un gouvernement d’union nationale (appelé 1+4) établi à la suite des accords liés à la fin de la deuxième guerre du Congo, logistiquement, c’est bien elle qui aide le gouvernement et l’armée dans les missions à travers le pays. « Les agents supérieurs de la MONUSCO trouvent que cela fait partie de l’objectif d’accompagner le gouvernent congolais dans la mission de stabilisation », confirme un officier supérieur du gouvernement congolais. Visiblement, il est clair que l’armée congolaise n’a pas des capacités organisationnelles et logistiques d’assurer le contrôle du pays. Dans les programmes de la « stabilisation », sur base des observations régulières, dans plusieurs régions, la MONUSCO dans les zones des conflits opère indépendamment du gouvernement. Pendant un de mes séjours d’études à Kitshanga, Mweso et Kalembe (vers Walikali) dans le Nord Kivu, en interactions avec les ex « enfants soldats » et des agents des associations locales, ils m’ont raconté que le bataillon de la MONUSCO interagissait avec les groupes armés et autres acteurs non-étatiques. Selon les populations locales ici, ses avions et drones circulent librement sur toutes les espaces congolaises et des endroits que les congolais eux-mêmes ne connaissent pas. « Ces avions circulent même la nuit et l’information capturée n’est pas connue par les autorités du pays ou partagés avec eux » affirme un des experts de la société civile au Nord Kivu.
Dans son quartier général à Goma, en observant, elle agit comme des impérialistes. On dirait que c’est elle qui dirige. A l’époque de la transition, après les accords de Sun city en Afrique du Sud, différents partis politiques se sont partagés des postes ministériels avec les autres nombreuses factions rebelles issues du conflit. Ce processus de gouvernance (dans la formule susdite de 1 + 4) était exécuté par le diplomate américain, William Swing, et l’ancien chef de la coopération Européenne, Louis Michel. Selon certains des négociateurs congolais dont nous avons eu l’occasion de discuter avec, ces deux facilitateurs étaient « des faiseurs des lois et rois » – Ils imposaient des décisions importantes.
Alors on peut se poser une question de qui dirige réellement le Congo ? Le Congo n’est-il pas tout balkanisé ?! Pourquoi les théories de complot s’attaquent aux paisibles communautés dans des milieux ruraux ? Cette idée meurtrière est devenue un instrument d’alimenter la haine ethnique au Nord et Sud Kivu contre les populations Rwandophones (Hutus et Tutsis). Mais plus particulièrement, maintenant, ce concept exploité par des politiciens extrémistes et populistes au Sud Kivu pour soulever des groupes qui s’auto proclament « autochtones » et justifier des violences contre la communauté Banyamulenge. Depuis 2017, nous observons un phénomène de déracinement, nettoyage ethnique et deshumanisation de la population Banyamulenge dans les moyens et hauts plateaux d’Itombwe sur base, en grande partie, de cette peur de la « balkanisation ».
En conclusion, le peuple congolais et l’élite politique, il faut sortir d’une distraction éternelle et comprendre les causes réelles et plus profondes des maux dont souffre le Congo. Sans cette approche de pensée rationnelle, construire une paix durable continuera à être un défi. Si balkanisation il y aura ou il y a eu ce ne sera pas les pauvres africains qui seront à la base, ni les petits pays tels le Rwanda et encore moins les petites communautés comme les Banyamulenge comme veulent le faire savoir les politiciens en mal de positionnement et sans un programme politique plus attirant ou un projet de société.
Alex Mvuka est doctorant en analyses de conflits, auteur et analyste politique de L’Afrique des Grands Lacs.
Twitter: @AlexMvuka