Pendant son enfance, Belyse Ndayikunda pensait que sa famille serait toujours auprès d’elle. Mais, quand les jeunes ont commencé à être visés dans son pays natal du Burundi, ses parents ont décidé de l’envoyer, ainsi que son frère ainé, aux Etats-Unis pour leur sécurité. Quand elle est arrivée à Portland, on l’a envoyée dans un foyer d’accueil, où on lui a donné un matelas pour dormir. Elle se souvient qu’elle se sentait malheureuse et vulnérable. C’était en 2012, et elle se trouvait loin de ce qu’elle appelle son “village de soutien”- ses parents, ses amis d’enfance, et la communauté- pour la première fois de sa vie. Mlle Ndayikunda avait alors 18 ans.
Au foyer, un homme originaire de Portland, lui aussi sans abri, est devenu son ami. Il a raconté à cette immigrante âgée de 18 ans les erreurs qu’il avait faites dans sa vie, la perte de son emploi, de sa famille et de ses amis, et sa plongée dans l’alcoolisme et les drogues. Ce qu’elle a vu pendant ces premiers jours était très différent de ce qu’elle avait vu dans les films américains, et elle a eu du mal à accepter que ce qu’elle pensait savoir de l’Amérique était si différent de ce qu’elle observait ici. Mlle Ndayikunda dit que ces quatre jours au foyer ont été un signal d’alarme. Elle a réalisé que si elle ne prenait pas de bonnes décisions, elle risquait de se trouver dans une situation catastrophique. Après ce séjour, l’Assistance Générale l’a aidée à trouver un appartement à Bayside Villages, où beaucoup d’étudiants habitaient. L’Assistance Générale a aussi permis à son frère de trouver un appartement, et leur a donné des bons d’achat pour la nourriture ainsi que toutes les informations nécessaires pour les guider dans leur recherche de services.
Un ami de la famille, qui habitait à Portland, l’a emmenée visiter Deering High School et l’a aidée à s’y inscrire. Elle a tout de suite remarqué plusieurs aspects surprenants du système scolaire américain: au Burundi, les professeurs sont très sévères, et les élèves sont intimidés. Ici, elle a constaté que les élèves étaient à l’aise avec leurs professeurs et communiquaient facilement avec eux. A Deering, il y avait entre 10 et 15 élèves par classe, alors qu’au Burundi, elle était habituée à une moyenne de 40 élèves par classe. À Deering, les élèves se déplaçaient de classe en classe, alors qu’au Burundi ils restaient dans une seule salle de classe où les professeurs venaient les retrouver pour les cours. À Deering, il y avait aussi de nombreuses ressources disponibles tant pour les élèves que pour les professeurs. Tout dans cette nouvelle école semblait incroyable.
Au début, les cours étaient difficiles, à cause de son niveau faible en anglais, mais elle se répétait qu’elle devait réussir et, pour y parvenir, elle étudiait beaucoup. Petit à petit, elle a progressé. Elle a préparé et envoyé son dossier d’inscription à l’université et elle a été acceptée. Mais elle ne savait pas que les demandeurs d’asile n’avaient pas droit à une aide financière leur permettant de faire des études universitaires. Lorsqu’elle a appris qu’elle ne pourrait pas entrer à l’université, ses espoirs et ses rêves se sont effondrés. Ses conseillers pédagogiques ne savaient pas comment l’aider. Quelqu’un lui a enfin appris que Southern Maine Community College (SMCC) avait un programme, “Path to Graduation”, destiné aux élèves prêts pour l’Université. Belyse Ndayikunda a reçu une bourse de 500 dollars. Alors qu’elle suivait ses classes à SMC, elle a rencontré Kristi Kaeppel. Belyse reconnaît que c’est grâce à son soutien et son aide pour trouver les ressources nécessaires qu’elle a pu continuer ses études. Mlle Kaeppel a dû partir pour avancer dans ses propres études universitaires, mais pas avant de faire prendre conscience à SMCC des défis particuliers auxquels les demandeurs d’asile sont confrontés. SMCC a répondu à cet appel en créant une caisse de fonds spéciale.
Belyse Ndayikunda a reçu son diplôme de SMCC au bout de deux ans et, avec l’aide de Margaret (Maggie) Loeffholz, elle a continué ses études à l’Université de Southern Maine (USM), où on lui a offert une bourse du mérite de 2500 dollars grâce aux excellentes notes qu’elle avait obtenues. Elle s’est mise à chercher des fonds auprès de divers donateurs privés, dont certains qu’elle connaissait, et d’autres non. Au terme de trois années d’études et de travail, elle a décroché son diplôme: une License en mathématiques avec une spécialisation en statistiques. Mlle Ndayikunda travaille maintenant à UNUM. Elle espère obtenir une Maîtrise, et elle a postulé auprès du programme de remboursement des frais de scolarité d’UNUM pour obtenir une assistance financière.
C’était difficile de travailler tout en faisant ses études, dit-elle, mais elle s’est reposée sur sa foi, sur les gens généreux qui l’ont aidée et sur sa volonté, pour réussir. Elle conseille aux autres demandeurs d’asile de ne jamais abandonner. Il faut être persévérant, s’accrocher à ses rêves, travailler dur, créer des contacts, et demander de l’aide, autant de qualités qui ont contribué à la réussite de son éducation. Elle ajoute que les Américains sont très généreux et bienveillants. Quand vous partagez votre expérience avec eux, ils sont prêts à vous rendre service. Elle se souvient d’une table ronde à laquelle elle avait participé et qui lui avait donné l’occasion de raconter son histoire. Une personne était venue la voir après et lui avait donné un chèque de 2000 dollars pour qu’elle puisse continuer ses études.
Mlle Ndayikunda dit qu’elle se sent triste quand elle apprend qu’un jeune a abandonné ses études. Les Américains ont droit à une aide financière, contrairement aux demandeurs d’asile qui, pense-t-elle, ratent une chance importante de poursuivre leurs études. Elle se réjouit de voir de plus en plus de personnes et d’organisations prendre conscience de cette restriction concernant l’aide financière pour les demandeurs d’asile, et elle constate que certains programmes commencent à être créés dans le but de corriger cette injustice . Elle ajoute que le plus beau jour de sa vie a été celui de l’obtention de son diplôme. En effet, elle a compris qu’après avoir réussi à obtenir son diplôme malgré les conditions difficiles dans lesquelles elle vivait, elle pourrait alors accomplir tout ce qu’elle souhaiterait en Amérique. Travailler dur, ça porte ses fruits, affirme-t-elle.