by Jean Damascène Hakuzimana
Le 7 novembre dernier, Alpha Condé, 82 ans, a été déclaré vainqueur des élections présidentielles guinéennes, qui lui ont accordé un troisième mandat controversé. La Côte d’Ivoire, le voisin méridional de la Guinée, a également réélu récemment son président, Alassane Ouattara, âgé de 78 ans, pour un troisième mandat. Les deux hommes rejoignent le club grandissant des présidents africains qui ont cherché à obtenir des mandats supplémentaires à l’expiration des deux mandats qui leur sont accordés par la constitution.
De nombreux membres de ce “club présidentiel” ont trouvé des moyens de réviser la constitution de leur pays et de lever les obstacles qui les empêchaient d’obtenir des mandats supplémentaires.
Les candidats n’ont pas tous le même palmarès, mais le résultat est le même. Alpha Condé, par exemple, a mené une campagne visant à “réaliser ce qu’il a commencé dans les premiers temps” ; Alassane Ouattara a qualifié sa course de “décision visant à satisfaire le désir de la nation” après la mort soudaine du candidat qu’il préparait pour le poste – il était déterminé à ne pas voir le pouvoir aller dans le camp de l’opposition de l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan.
Certains présidents sont au pouvoir depuis plus de trois mandats. Le président ougandais Museveni a fait campagne pour la suppression totale des limites d’âge dans la constitution afin qu’il puisse se représenter après 34 ans de mandat – selon la constitution ougandaise, le président ne peut être âgé de moins de 35 ans ni de plus de 75 ans. Il a déjà supprimé la limite d’âge pour les mandats. Museveni figure parmi les cinq plus anciens présidents africains, aux côtés de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de Guinée équatoriale, au pouvoir depuis 1979. Parmi les autres présidents qui se sont maintenus au pouvoir pendant des décennies, citons Paul Biya du Cameroun – président depuis 1982 ; Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville – en fonction depuis plus de 36 ans ; Idriss Deby Itno du Tchad, président depuis 29 ans.
Ces troisièmes mandats présidentiels provoquent souvent des violences, et conduisent parfois à des peines de prison et à des décès. Tel est le sort de Pascal N’Guessan, par exemple, qui a été arrêté le samedi 7 novembre sous l’inculpation de terrorisme après que les forces gouvernementales aient affronté l’opposition. Ces affrontements ont fait plus de 40 morts parmi les Ivoiriens. L’espoir d’un changement s’évanouit souvent : plus un président s’accroche à son poste, plus il consolide son pouvoir, plus il réprime l’opposition.
Dans un discours prononcé le 28 juillet 2015 devant l’Union Africaine, le président Obama a déclaré : “Lorsqu’un dirigeant essaie de changer les règles en cours de route juste pour rester au pouvoir, cela risque de provoquer de l’instabilité et des conflits – et ce n’est souvent qu’un premier pas sur une voie périlleuse”. L’Union Africaine est souvent restée silencieuse dans les affaires concernant les changements constitutionnels relatifs à la limitation des mandats présidentiels.
La tendance à s’accrocher au pouvoir et à ignorer la volonté de la population a entraîné l’exode de nombreux Africains, qui ont fui la persécution dans leur pays d’origine et se sont installés dans d’autres pays et états (comme le Maine !), contribuant ainsi à la croissance de la diaspora africaine. Dans un article du Daily Maverick, Mmusi Maimane, qui fut un temps chef de l’Alliance Démocratique de l’Opposition en Afrique du Sud, a déclaré : “Nous avons vu, à maintes reprises, les libérateurs arriver au pouvoir au milieu des fanfares de la révolution, pour ensuite céder aux tentations du favoritisme et de la corruption. Nous avons vu une litanie de présidents Big Man amasser des richesses à une échelle qui était inimaginable pour les citoyens ordinaires”.
Maimane a averti qu’il est temps de passer le relais aux jeunes générations. “L’Afrique a besoin de dirigeants frais, jeunes et compétents, sans aucun lien avec les mouvements de libération du passé”.