Par Georges Budagu Makoko
Le meurtre de George Floyd le 25 mai dernier aux mains d’un policier de Minneapolis est une preuve évidente des mauvais traitements infligés aux Noirs par les forces de l’ordre. Sa mort brutale a provoqué une onde de choc d’indignation aux États-Unis et dans le monde entier. Des millions de personnes ont inondé les rues pour demander justice pour Floyd, ainsi qu’un changement systémique dans la manière dont les noirs sont traités aux États-Unis, en particulier en ce qui concerne l’application de la loi par les forces de l’ordre, où l’utilisation disproportionnée d’une force inutile a entraîné beaucoup de morts. Partout dans le pays, les gens ont demandé que des lois et des procédures soient rapidement mises en place afin de garantir un traitement égal et sûr de citoyen aux États-Unis.
Ayant grandi en République démocratique du Congo, où un nombre incalculable de meurtres atroces ont été commis par des gens sans pitié, il m’a été très pénible de regarder la vidéo de la mort de George Floyd. Regarder un homme désespéré et sans défense sur le sol, à l’agonie et suppliant en vain pour sa vie, m’a beaucoup troublé et m’a fait m’interroger sur le rôle que jouent les policiers au sein des communautés noires. La scène d’un policier serrant le cou de Floyd contre le sol n’est pas une scène que je peux facilement oublier. Le fait que le policier ait été aidé par d’autres officiers, et qu’il ne se soit apparemment pas soucié du fait que des passants assistaient à la mort de Floyd, qu’il ait imploré la pitié des officiers, et qu’il ait en fait enregistré le meurtre sur vidéo, était encore plus troublant. Rien n’a réveillé les consciences des officiers. En tant que Noir qui élève un fils dans ce pays, je n’ai pas trouvé les mots pour expliquer comment ce meurtre a pu se produire, sans parler de la situation de la discrimination raciale aux États-Unis dans son ensemble.
Lorsqu’une vie humaine est perdue aux mains de personnes cruelles et sans pitié, l’angoisse et le chagrin qui affligent les proches de la victime laissent des souvenirs douloureux qui les accompagnent à jamais, suscitant des questions sans fin sur les raisons pour lesquelles certaines personnes se comportent de manière si malveillante envers leurs semblables. Le 4 octobre 2011, j’ai perdu mon cousin, que j’aimais beaucoup, après qu’il ait été assassiné par la milice Maï-Maï dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Mon cousin a été tué en même temps que sept autres travailleurs humanitaires innocents. Ils ont été torturés, brutalement tués et abandonnés dans la rue. J’imagine les dernières minutes de leur vie, et leurs appels à la pitié, qui ont été ignorés alors qu’ils prenaient leurs dernières respirations.
Les millions de personnes qui sont descendues dans la rue dans presque toutes les villes des États-Unis, ainsi que dans le monde entier, même au milieu de l’actuelle pandémie COVID-19, veulent désespérément que les dirigeants américains réforment le système actuel d’application des lois afin que celui-ci assure enfin la sécurité de tous, sans discrimination de couleur ou de race. Il faut que les choses changent. Pour les immigrants, qui se sont installés aux États-Unis après avoir échappé à la mort et à la persécution dans leur pays d’origine, il est difficile d’expliquer à leurs enfants que ce qu’ils ont fui peut en fait être vécu ici aussi, aux États-Unis. Les immigrants ont en effet l’habitude de présenter ce pays comme un exemple de normes élevées en matière de justice et de démocratie.
Ma prière est que ce pays que j’aime beaucoup soit uni, et que les racines de la division et du conflit ne trouvent plus de terre fertile. Le mal s’épanouit chaque fois qu’il n’est pas signalé, et il est temps d’affronter le mal du racisme et de le vaincre.